Lire Albert Thibaudet
« [...] le romancier authentique crée ses personnages avec les directions infinies de sa vie possible, le romancier factice les crée avec la ligne unique de sa vie réelle. Le vrai roman est comme une autobiographie du possible, la biographie par Sextus Tarquin de tous ces Sextus Tarquins que, dans l'apologue qui termine la Théodicée de Leibnitz, la divinité montre à Sextus peuplant à l'infini l'infinité des mondes possibles. Il semble que certains hommes, les créateurs de vie, apportent la conscience de ces existences possibles dans l'existence réelle. S'ils prennent pour sujet de leur œuvre cette existence réelle, elle se réduit en cendre, elle devient fantôme, sous la main qui la touche. Elle a eu sa vie, elle n'a pas droit à une autre. Le génie du roman fait vivre le possible, il ne fait pas revivre le réel. De chaque coulée, il exige qu'elle soit de source, et vierge. »
Albert Thibaudet, « Réflexions sur le roman », 1er août 1912.
Il faut lire Albert Thibaudet, critique de la NRF de 1912 à 1936, ne serait-ce que pour remettre à l'heure certaines pendules contemporaines. Ce sera bientôt possible. Je reviendrai là-dessus.