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13 septembre 2009

Grands crus classés, grands chefs étoilés

9782732438771

Bordeaux, 1855. Vous connaissez l'histoire ? En vue de l'Exposition universelle qui doit se tenir à Paris cette année-là, Napoléon III demande au négoce bordelais d'établir un classement des plus grands crus de la Rive Gauche. Fondée sur la valeur des vins et étayée sur plusieurs classements précédents, la liste est produite en peu de temps. Elle comporte pour Médoc et Graves (réprésentée par le château Haut-Brion) cinq niveaux de classement et, pour Sauternes, deux niveaux plus un premier cru supérieur (qui n'est autre que château-d'yquem, fallait-il le préciser ?).

Le classement n'a pratiquement pas changé depuis 1855, si l'on excepte l'ajout rapide d'un château qu'on avait oublié de noter et le passage de château-mouton-rothschild de deuxième cru à premier cru classé de Pauillac, et bien entendu les quelques modifications de nom engendrées par les mouvements de propriétés au cours des décennies. "Lors d'une dégustation à l'aveugle", raconte Didier Cuvelier du château Léoville-Poyferré, "le classement a été refait à l'identique à quelques rares exceptions près." La géologie et la pédologie ont plus que leur mot à dire : "Si les eaux montaient de dix mètres", continue le même, "les seuls vignobles à garder les pieds au sec seraient ceux des grands crus classés."

J'ai écrit les textes de ce livre entre mars et août 2009 : quatre-vingt-sept mini-monographies, une par château, d'abord en français puis rebelote en anglais une fois les textes français terminés (l'édition anglaise, fabriquée et imprimée en même temps que l'édition française, sortira en décembre chez Abrams). À raison d'une moyenne de 3 500 signes par texte, cela fait deux fois quatre-vingt-sept fois trois mille cinq cents donc six cent neuf mille signes, disons six cent dix mille pour arrondir. Avec bien entendu les contraintes liées à ce genre d'exercice : rassembler toutes les informations pertinentes (parfois délicates à réunir) tout en restant concis. Ajoutez à cela la révision et la traduction de plusieurs textes de sommeliers, d'une préface, la traduction des recettes de chefs (soit de l'anglais au français, soit du français à l'anglais, sans oublier que le langage chef lui aussi doit souvent être traduit...), et enfin un travail d'editing parfois touffu sur une bonne partie des 87 recettes, vous comprendrez que trois mois avant la fin de ce travail j'ai cru que je n'arriverais pas au bout.

Pourtant ce fut une des aventures les plus passionnantes de toute ma vie. Je ne suis ni œnologue ni sommelière. J'ai bien écrit un livre sur les accords vins-desserts avec Olivier Poussier en 2002, mais mon travail s'est alors résumé à mettre en forme la grande richesse informative fournie par le sommelier. Pour ce projet-ci, je suis arrivée pieds nus sur les graves, des pieds qui ne s'étaient jamais posés sur le sol du Bordelais, la tête qui les surmontait quelques empans au-dessus n'ayant que peu d'expérience des vins de Bordeaux et du monde intimidant, un peu secret, qui les entoure. C'est avec une incontestable virginité que j'ai abordé ce sujet, et c'est peu de vous dire que je serrais les fesses. Le périple, ponctué de longs séjours dans les régions viticoles et de passages dans tous les châteaux, s'est révélé à la fois travaux d'Hercule et apprentissage d'un paradis. Les mots, pour décrire cela, ne peuvent venir vite et la synthèse devra se faire au fil du temps. En attendant, le livre en est un témoignage. La virginité que j'évoque plus haut n'a pas été le handicap auquel je m'attendais, même si elle a nécessité un apprentissage sur le tas. Elle a été la condition préalable d'une découverte. En même temps que je ramassais des cailloux (par exemple des graves d'agate et de calcédoine dans les vignes de Rayne-Vigneau), je trouvais une pierre philosophale, qui était au cœur même de mon sujet et m'a permis de le traiter avec passion et, j'espère, avec justice. 
Je reviendrai sur tout cela au fil de ce blog. 

Grands Crus classés, Grands Chefs étoilés, à paraître en octobre 2009 aux Éditions de La Martinière. Textes de Sophie Brissaud, préfaces de Jancis Robinson et Jacques Dupont, photographies d'Iris Sullivan et Cyril Le Tourneur d'Ison. Recettes de 87 grands chefs internationaux.

Sortie légèrement décalée (décembre) en langue anglaise chez Abrams, New York.

pontetcanet

Le château Pontet-Canet, à Pauillac.

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