Tokyo, premiers pas hésitants
Que serait un grand voyage sans une ou deux bonnes petites galères initiales ? Nous avons été gâtés de ce côté-là. Je ne décrirai pas ici nos tracas d’embarquement, je me contenterai d’évoquer mon admiration pour l’aéroport de Hong Kong et la fatigue de quelque quinze heures d’avion. Mais rien n’atteindra l’abomination des dix dernières minutes de vol, en larges boucles au-dessus de Narita, au milieu de vents tourbillonnants, cinquième dans la file d’attente des atterrissages. Le throw-up bag a été mis à contribution. Deux vols respectivement de onze et quatre heures sans pouvoir fermer l’œil, ça m’a soudain paru préférable à sept minutes de descente secouée dans la brume nippone. Cependant, le spectacle de la piste de l’aéroport transformée en miroir par une pluie particulièrement mouillée a presque effacé le souvenir de mes souffrances alors que mon estomac se croyait encore en train de danser le menuet.
Le trajet de l’aéroport au centre de Tokyo par le Narita Express s’est passé comme un rêve, le train glissant dans un paysage mélancolique de rizières et de collines touffues dans une lumière gris ardoise. Heureusement le restaurant des Chefs pour lesquels j’ai conçu le projet en cours se trouve juste à l’arrêt du Narita Express, précisément à la station Tokyo, à proximité de la grande gare du même nom, dans le quartier de Marunouchi. On ne peut pas faire plus central. Le restaurant est au trente-cinquième étage et la vue, par les baies vitrées, est éblouissante. L’éclairage met en valeur le noir des costumes.
L’hôtel est juste au bord des bassins du Palais impérial, dans un vaste espace qui étonne par son calme et sa solennité au milieu de la métropole bourdonnante. Les mots qui me viennent, quelques heures après mon premier contact avec Tokyo, sont : majesté, grâce, ordonnancement. Enrhumée depuis la veille de mon départ, j’ai du mal à dormir. Je soigne mon jetlag à coups de grandes douches chaudes. Je n'ai pas la force d'écrire davantage, demain j'essaierai de me soigner.