Shamian island
La journée a commencé par Le Café Qui Ne Voulait Pas Refroidir. Il m'a été servi dans une cafeteria de Guangzhou vaguement pompée sur Starbucks, moins les gobelets en carton. Au lieu de cela, on verse le café dans de hautes chopes en grès, où bien entendu il ne refroidit pas, mais au moins la mienne était décorée du plus adorable des petits singes. J'ai pu le contempler tout mon saoul avant de pouvoir commencer à boire. Les Cantonais, dit-on, aiment prendre leur temps : première leçon pratique.
Mon hôtel est sur Shamian Island, district de Guangzhou où, dès la fin de la dynastie Tsing, les compagnies et concessions occidentales avaient établi leurs quartiers, à la façon du Bund et des concessions de Shanghai, mais en nettement plus romantique. Le quartier est en cours de restauration.
Les rues sont vastes et rectilignes, ombragées d'arbres magnifiques : camphriers, banyans (dont on voit ici les racines rampantes devant un terrain d'exercices scolaire). Comme dans tous les parcs publics chinois, les gens viennent y faire de la gym, de la danse, du taiji quan ou des arts martiaux, les amoureux se bécoter et se parler à voix basse, les militaires s'y livrer à des exercices scandés à voix haute et claire.
Le point de rendez-vous est généralement la maison de thé du maître. Ce matin, nous avons eu droit à un pu-erh cuit, accompagné de châtaignes grillées.
Enième infusion, je ne me souviens plus laquelle, à côté d'un superbe bingcha (galette de thé pressé) de pu-erh vert.
Pas loin, au carrefour, de jeunes hommes (probablement originaires du Xinjiang) vendent des brochettes cuites au charbon de bois et des pains plats au sésame.
Cette image a le mérite de montrer toute la chaîne de fabrication de ces pains : sous le plastique, les pâtons en train de lever. Juste à côté, ils ont subi un premier abaissage (oui, le rouleau est très mignon). Le boulanger finit d'abaisser une galette et se sert d'un tampon pour piqueter la pâte avant de la passer à son voisin, qui la fait cuire sur une tôle.
Et tiens, justement, on a une petite faim. Le taxi nous dépose devant les Galeries Lafayette ou tout comme. Je demande si c'est un centre commercial, on me répond : "Pas du tout, c'est le restaurant. Et celui-ci, c'est un petit." Ledit restaurant s'étend sur trois étages, on prend l'ascenseur pour gagner sa table. Le troisième niveau est entièrement fait de salons particuliers numérotés comme des chambres d'hôtel.
Et je passe tout de suite à cette vue très instructive de la nuit cantonaise, car j'hésite à vous poster des photos de mon dîner. Oui, comme on m'a fait quelques observations, j'ai décidé ce soir qu'il n'était pas charitable de vous donner faim. Nous avons mangé des concombres marinés à l'ail et au chili, des pattes de poulet aux cinq-épices, de l'anguille à l'ail et au poivre en marmite de terre, de la soupe au tofu frit, du larynx de porc pané et frit (Dans le cochon, tout se mange, chapitre II), et le plat mythique appelé hu sang, originaire de Cheng De (la ville natale de Bruce Lee) et qui est, dit-on, l'ancêtre du sashimi : crevettes crues dans un seau de glace pilée (on fouille dans la glace pour les extraire) et carpaccio de poisson cru à déguster avec sauce de soja, huile de cacahuète, graines de sésame, divers condiments en fine julienne (navet, poireau, citronnelle, gingembre, taro frit, écorce d'orange séchée, etc.) et arachides concassées. Quoi ? Vous avez faim tout de même ? Désolée.