L'été à Canton (2)
Où je me rends compte que "subtropical", en cette saison, ça veut dire "carrément tropical". S'il pleut un peu, ça ne change rien. S'il pleut beaucoup, ça baisse momentanément de deux ou trois degrés. L'autre jour, au marché au thé de Fangcun, une petite brise post-averse soufflait entre les dernières gouttes. J'ai dit : "Il fait presque frais !" Jing (qui est du pays) : "Il fait presque froid ! " Tout est relatif. Et puis c'est la saison des longans. L'année dernière, début juin, j'avais eu la chance d'être ici au début de la saison des litchis (je vous en reparlerai à la prochaine occasion). J'ai maintenant la chance de pouvoir déguster les fameux longans cantonais dans leur jus et dans leur élément.
La marchande est si gracieuse, et la masse des fruits entassés est si belle, que je ne résiste pas au désir d'en donner une autre vue.
Mon hôtel se trouve à côté d'un petit marché, dont vous voyez l'entrée ci-dessus. Arrangé autour d'une ruelle étroite, éclairé sur deux côtés, il offre une très belle luminosité. En outre, on y trouve des légumes un peu inhabituels, même pour Canton. C'est un vrai wet market : le sol est humide, les odeurs sont, par cette chaleur, suggestives. Les images ci-dessous en donnent, j'espère, une idée.
Nature morte à la balayette : haricots longs violets, ciboules, concombre amer et un petit melon d'hiver, légume ainsi nommé sans doute parce qu'on en mange beaucoup en été. Il n'a pas beaucoup de goût, mais il a une texture intéressante, et comme tout ce qu'on met dans des soupes en Chine, c'est bon pour ce que vous avez.
Ail et gingembre : les deux mamelles de la cuisine chinoise, naturellement vendus ensemble. C'est un vrai bonheur de voir le gingembre ici sur les marchés : juste sorti de terre, dodu, frais, humide, gonflé de jus sous sa peau fine et fragile comme celle d'une pomme de terre nouvelle. Rien qu'à le voir, j'ai envie de cuisiner à perdre haleine.
Le gingembre peut aussi être "vert", c'est-à-dire jeune et tendre, dardant ses pousses rosées. Il peut être mangé comme légume, mais ne se prête pas à toutes les préparations. Pour le lait au gingembre (recette, soit dit en passant, originaire de Panyu) ou les cuissons longues, le "vieux" gingembre est préférable.
Ce marchand de fruit au wet market de Lijiang n'a pas seulement de jolies bananes (de ce type rondouillard qu'on appelle en Thaïlande "œuf de tortue"), il les présente aussi sur un beau tapis.
Monsieur le poissonnier est au téléphone.
Chez le volailler, c'est l'heure du goûter.
Pour me rendre chez Jing et Seb, il faut traverser le lotissement du Jardin de Lijiang. Au début, par une température située entre 31 et 37 °C, c'était un peu dur, mais on s'y fait. Au bout d'un moment le cœur s'habitue, le thermostat interne se réajuste, et marcher enveloppée de cette touffeur devient une espèce de natation en aquarium pas désagréable. Sauf évidemment quand le mercure chatouille les 36-37, là il y a un peu de souffrance. Mais il faut y aller doucement, se reposer, admirer la végétation, boire de l'eau ou du thé. Et, bien sûr, contempler les marchés, peut-être acheter un ou deux fruits en route.
Le soir, les barbecues de rue, espèce nocturne, sortent de leur cachette. De grands ventilateurs répandent leur fumée odorante dans tout le quartier. Au choix, vous pourrez déguster sur le pouce du poulet, des aubergines, des haricots verts et même des huîtres. Le cuisinier est suprêmement chic avec ses tatouages et son tablier de cuisine.
On conclut sur ces superbes huîtres grillées dont j'entends encore le léger chuchotement dans leur coquille, bien que je sois aujourd'hui loin de Canton.