Encore de la Tasmanie ! (Le bonheur est dans l'assiette, part 2)
Alors, vous avez vu la Tasmanie hier soir sur Arte ? Si vous l'avez ratée, il y a toujours le replay. Quelques témoins m'ont confié qu'ils ne détesteraient pas prendre leurs cliques et leurs claques et aller s'installer là-bas. Je les comprends.
On commence avec des paysages. En voici un de la région centrale de l'île, au-dessus de Hobart.
Une plage à Robbins Island, au nord de l'île. Des kilomètres comme ça. Un ami m'a fait remarquer que c'est nul, il n'y a pas de sacs en plastique. Je pourrais ajouter plein d'autres photos de plages, mais je m'abstiens par pure charité.
L'ouest de l'île est complètement sauvage. Sur cette photo, nous sommes un peu au nord-ouest du centre, dans une zone de lacs et de forêts où croissent des pins qui comptent parmi les organismes vivants les plus vieux de la planète. Des végétaux quasi minéraux. Curieusement, les truffes melanosporum de l'île, que l'on définissait autrefois comme des "végétaux animalisés", poussent pas très loin de là.
Ici, un minéral presque animal, un bouillonnement volcanique solidifié sur une plage près de Hobart, juste en dessous de la maison du céramiste Ben Richardson (auteur de la vaisselle de Garagistes).
Des vignes cultivées en biodynamie à Frogmore Creek. Un calme absolu qui ce jour-là fut déchiré par le hurlement d'un cacatoès blanc.
Dirk Meure, qui soigne ses vignes sur une croupe argilo-sableuse près de la mer. Ses vins sont servis à Garagistes : pinots noirs, chardonnays et pinots gris. Des vins rares et vivants qui portent en eux toute la puissante atmosphère de cette terre.
Ce que l'on voit du vignoble de Dirk en regardant vers la mer. Cette photo, prise par un temps d'arc-en-ciel au début du printemps austral, traduit parfaitement l'âme du lieu. Les traits parallèles sur l'eau sont des parcs à huîtres.
En parlant d'huîtres, voici les parcs à Bruny Island. Plantés dans le sable, les piquets soutiennent des casiers fixés à un mètre de hauteur, là où les eaux limpides viennent rouler les huîtres et user leurs coquilles. Or l'huître qui est empêchée de développer sa coquille développe plus de chair.
On rencontre souvent des raies pastenagues, pas farouches, dans les parages.
Dégustée à même le parc, une huître de Bruny Island charnue et croquante, semblable à celles qui seront servies à la table de Garagistes.
Comme ceci, sur un lit de galets de plage, arrosées d'une sauce au vinaigre de cidre.
Voyons Garagistes de plus près : un ancien garage reconverti, quatre grandes tables d'hôtes et un bar (pas de tables individuelles), une cuisine ouverte. Au fond, un séchoir pour les salaisons et un four à pain (le grand cube noir).
Le chef, Luke Burgess, et Katrina Birchmeier, sa compagne et chef-sommelière de la maison, engagée dans la cause des vins nature (lesquels, je l'ai constaté, voyagent sans problème vers les antipodes).
Garagistes, c'est une équipe où chacun est partie prenante dans la recherche, la création, la cueillette. C'est aussi une esthétique unique, organique et terrienne, et une cuisine qui est un concentré poétique de l'île en saveurs et en couleurs.
Sur ce crostini de pomme de terre du restaurant Garagistes (Hobart), par exemple, un résumé de la végétation insulaire.
Julie (Jules) et Pierre-Jacques Ober ont été d'une aide immense. Ils ont réalisé un repérage minutieux (avec les très belles photos de Jules), tourné la séquence "truffes" en hiver, et ont participé au tournage de novembre 2011. Ils résident à Byron Bay, en Australie. Vous pouvez voir les photos de Jules ici. J'en profite pour les remercier — pour tout.
Les mains de Jules, une entrée de seiche crue aux radis roses, et une des splendides assiettes fabriquées spécialement pour Garagistes par Ben Richardson.
Un dessert à base de fraises, de panna cotta glacée et d'herbes sauvages.
Si c'est servi à Garagistes, c'est fait à Garagistes : le pain, le yaourt, le fromage - par exemple cette croûte lavée de vache affinée maison. Et aussi les salaisons, que Luke a appris à confectionner à Sydney en compagnie de Rodney Dunn, auprès de familles italiennes.
Les salame, pancetta et lardo sont donc de fabrication maison.
Quoi ? Vous dites qu'on ne voit pas bien le lardo ? Et là, vous le voyez mieux ?
Ma photo préférée de Jules, prise lors d'une tentative de muster (annulée par suite de tempête) à Robbins Island. À bord d'un quad sous une pluie battante et par un vent qui a même découragé les chevaux de traverser le bras de mer à marée basse, elle est enchantée.
La Tasmanie, c'est une surprise géographique toutes les cinq minutes. Le paysage change constamment. Partout, des poches de végétation étrange ou de formations géologiques insensées, surgissant de façon inattendue. Cette cascade se trouve à Russell Falls, dans un incroyable chaos de fougères arborescentes et de forêt primordiale, encerclé d'eucalyptus bleus géants. Tout cela enchâssé dans des pâturages de type anglais.
C'est Rainer Oberlé, botaniste, qui nous fait visiter cette forêt fabuleuse avant de nous mener à Agrarian Kitchen, où il s'occupe du potager.
Agrarian Kitchen, école de culture potagère bio et de cuisine, et plus largement d'autosuffisance alimentaire, est la création de Rodney et Séverine Dunn, amis de Luke Burgess. Rodney fut naguère rédacteur en chef de Gourmet Traveller Australia.
Je dois à Rodney une des grandes émotions gustatives de ma vie : une glace à la fleur de sureau et aux fraises confites, dont voici les ingrédients de base, juste avant la préparation. Vous pouvez trouver cette recette sur le web d'Arte.
Hobart est une ville paisible dont les petites maisons et les jardins s'étalent sur collines, anses et presqu'îles. Luke fait régulièrement, avec la bénédiction des propriétaires, la tournée de ces jardins pour y cueillir fleurs, fruits et herbes.
Autre cueillette : celle que va faire Paulette Whitney ce matin sur Bruny Island. Nous nous retrouvons au petit matin sur le ferry.
Paulette, que l'on voit ici au-dessus du Neck (l'étroite bande de terrain qui sépare les deux parties de Bruny Island), est botaniste et maraîchère, spécialisée dans le bushtucker, les plantes indigènes autrefois consommées par les premiers habitants de l'île. Elle rapporte souvent à Luke le fruit de ses cueillettes, par exemple ce pourpier maritime, croquant et acidulé, récolté sur la plage.
Retrouvez l'adorable Paulette sur son blog, Provenance Growers. Je vous le conseille, c'est une aventure à suivre. Retrouvez aussi Rodney et Séverine sur le site de The Agrarian Kitchen. Sans oublier, bien sûr, Garagistes et son nouveau bar à vin, Sidecar.