L'Arnsbourg, le Lumix GF1 et mon plateau à thé
Qu'est-ce qui peut encore nous tomber dessus cet hiver, à part la neige, la pluie, la neige durcie (quelques minutes cet après-midi), le débat sur l'identité nationale et la philosophie de BHL ? Oui, je sais, comme disait Pierre Dac, mais c'est très rare. Je reste pour ma part prudente et calfeutrée, ayant été malade et trouvant dans le thé pu-erh cuit un remède à pratiquement tout. Rien de tel qu'un petit gongfu cha pour supporter tout ça. Occasion de mettre en circulation le plateau à thé que je viens de rapporter de Canton. Ce n'est pas le modèle élégant en bambou ajouré qu'on appelle "bateau à thé" la bouche en cul de poule dans les jolies boutiques rive gauche, et qui se met à fuir tôt ou tard — ça, j'ai déjà donné. C'est le plateau à thé du peuple : celui qu'on malmène chez les producteurs de thé dans toute la Chine ; celui que martèlent toute la journée les culs des tasses et des gaiwans de dégustation lorsque arrivent les nouvelles feuilles d'une récolte ; celui qui se fait constamment inonder, cogner, vider, réinonder, recogner, qui se teinte à la longue de brun et de gris terne, et que quelques bosses par-ci, par-là n'empêchent jamais de servir. Petit modèle à deux euros, 24 yuan précisément, mais complet je vous prie : plateau amovible, réservoir bien profond, petite bonde d'évacuation équipée d'un bouchon de plastique et tuyau muni d'une poire au cas où l'on dispose d'un seau pour la vidange. Léger et facile à transporter. C'est avec plaisir que j'y pose ma nouvelle théière de Yixing qui, non contente d'être belle et pourvue d'un couvercle bien ajusté, verse à merveille. Mes deux gobies en grès japonais sont ravis et ça se voit.
C'est dans ces températures glaciales que je fais mes premiers tests du Lumix GF1, vraiment un appareil phénoménal. Comme il se doit, j'ai déjà perdu le bouchon d'objectif. (Les bouchons d'objectifs sont des traîtres.) Finition, ergonomie, qualité des images, balance des blancs, compacité, légèreté (juste assez de bon poids en main, mais rien dans le sac), et jusqu'au bruit élégant de l'obturateur qui procure un plaisir pur à chaque prise de vue. Même les modes couillon échappent à la couillonnade. On peut s'amuser à l'infini avec ce boîtier.
Ces photos sont prises en mouvement, à bord du bus de la ligne 27 à 18 heures, à faible sensibilité pour mieux transcrire cette ambiance glagla.
Eh bien voyez-vous, il faisait moins froid à L'Arnsbourg en fin de semaine dernière, à Baerenthal, au fin fond des Vosges, dans une somptueuse clairière vierge de tout signal GSM. Le soir, on descendait de l'hôtel K jusqu'au restaurant sans grelotter. La neige était à moitié fondue.
Quelques photos prises en cuisine (toujours avec le GF1). Ce gant revêt (outre la main) un sens spécial à L'Arnsbourg. En effet, une huître figure à tous les menus dégustation, sous des accommodements divers. Le chef décline à l'infini les associations gustatives sur ce coquillage : acide, sucré, amer, végétal, balsamique…
C'est une cuisine calme et bien structurée, qui part en ébullition au plus chaud du service, comme toutes les cuisines.
Je vous laisse imaginer à quoi servent ces bouchons. C'est simple mais il fallait y penser ; c'est la première fois en tout cas que je les vois dans une cuisine de restaurant.
Et bien sûr, toujours cette cuisine, la cuisine de M. Klein. Si personnelle, si unique et si modeste à la fois. Toute dans la recherche de la touche de saveur juste, toute dans la surprise continuelle sans la moindre trace de provocation égotiste. En évolution permanente, qualité qu'on peut reconnaître à bien des chefs mais qui définit particulièrement bien celui-ci.
Cuisine belle aussi, composée comme un bijou émaillé. Je remarque que le temps de contemplation avant dégustation, ici, est toujours plus long qu'ailleurs. C'est qu'on oublierait presque de manger tant c'est ravissant.
Et pas si complexe dans sa composition que le raffinement des plats ne le laisse entendre. Ici le délicieux daïquiri banane, simple association du rhum, de la banane écrasée, de la vanille et du juste degré de congélation pour donner vie à l'ensemble.
(À suivre, je ne sais quand…)