La reine des tartes aux pommes
Tiens, une recette ! Ça faisait longtemps.
Du côté de chez ma
maison, certains se sont plaints récemment que je ne faisais jamais de
tarte aux pomme. N'importe quoi, ai-je répondu, j'en ai fait une il n'y
a pas longtemps du tout. On admet, mais je vois à un regard
d'insatisfaction que l'excuse ne suffira pas.
Alors j'ai envoyé le
boudin aux pommes se faire cuire un œuf et j'ai décidé d'utiliser sur
une tarte les pommes que je lui destinais.
Une chose était sûre,
je n'avais pas envie de m'embêter. À quatre jours d'un départ pour un
long voyage, avec trois tonnes de trucs à boucler avant de partir, une
molaire dévitalisée la veille et une carie plombée ce matin, pas
question de me prendre la tête. Et c'est ainsi que naquit la reine des
tartes aux pommes.
J'ai commencé par éplucher et épépiner tout ce qu'il me restait de
pommes, c'est-à-dire une petite dizaine de Royal Gala bio qui
commençaient à se rider.
J'ai fait fondre un gros morceau de beurre
dans une sauteuse et j'y ai fait sauter doucement les pommes en gros
quartiers, avec un bâton de cannelle de Chine et un poil de sel. Quand
ça a commencé à fondre, j'ai ajouté quelques cuillerées de sucre de
canne roux. Et j'ai laissé cuire et caraméliser et devenir tout moumou
tout moelleux, tout lentement.
Pendant ce temps, je balance trois
poignées de farine dans un mixeur, et du beurre. Notez la justesse des
proportions. Comme on dit souvent, "la cuisine, ça n'exige pas toujours
des proportions précises. Mais la pâtisserie, ça ne s'improvise pas,
c'est mathématique, c'est une science exacte. C'est au poil près." Tu
l'as dit, bouffi. Et c'est justement pour ça que j'observe des
proportions précises : pour la farine, trois grosses poignées et un
petit chouïa de plus. Et d'une. Le beurre : gaffe aux proportions. Les
proportions, écoutez bien, c'est : trop. Trop de beurre. Vous
avez noté ? Parce que je ne le répéterai pas.
Et vroum le mixeur. Et
hop, descendez on vous demande, tout le contenu dans un cul-de-poule.
Et quelques gouttes d'eau glacée par-dessus, mélange à la cuillère, la
pâte se forme toute seule en boule. Un peu de farine dans le creux de
la main et voici la boule toute enneigée, puis enveloppée de film
étirable, et dodo au réfrigérateur pour un temps, là aussi, très
précis, parce que la pâtisserie vous m'avez comprise, ça rigole pas,
c'est vraiment à la seconde près, sinon ça foire. Le temps précis : le
temps que j'aie allumé le four, sorti le moule à tarte, surveillé les
pommes, sorti les boudins du frigo, répondu à un e-mail, fait la
vaisselle. On ne peut pas faire plus précis. Au bout de ce temps
hyper-précis, je retire les pommes du feu. Elles sont toutes blondes,
légèrement caramélisées et pleines de beurre.
Je sors la pâte du
frigo et je l'étale au rouleau, elle se laisse faire sans résistance,
sans élasticité, ce qui est très bon signe. La voilà dans le moule. Il
en reste des petits bouts au bord : je les découpe, je les étale, ça
fera les croisillons comme mon grand-père normand aimait en mettre sur
ses tartes aux pommes pour ne rien jeter.
Après, tout va très
vite, normal : j'ai été vachement précise, plus précise que ça tu
meurs. J'étale les pommes, sans les écraser, sur le fond de tarte. Je
saupoudre de sucre. Je pose les croisillons le plus vite possible. Au
four pour à peu près 30 minutes, chaleur précise du four : 140 pour
commencer mais ensuite je me dis que ce n'est pas assez chaud alors je
passe à 160 et c'est vraiment au poil.
Voilà, preuve à l'appui (regardez attentivement la
photo), le secret de la tarte aux pommes parfaite. Prouvant une fois de
plus qu'en pâtisserie, rien ne vaut la précision.