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19 mars 2005

Oh, non ! Encore un test de macarons

_users_sophieb_desktop_macarons021C’est la deuxième fois de ma vie que je fais un test de macarons. Je pense qu’il n’y en aura pas de troisième.
Vous allez dire que personne ne m’y oblige, et quand je vous aurai dit qu’en réalité je n’aime pas beaucoup les macarons, vous vous demanderez quelle mouche me pique. Mais ce n’est pas si simple. Les macarons sont hyped, on dit que c’est « le petit gâteau parisien par excellence » C’est vrai : les Parisiens sont fous de macarons, ils les achètent par boîtes entières, les panachent, les câlinent, les comparent, les offrent, en parlent, et d’ailleurs disent sur eux n’importe quoi (c’est mon opinion, désormais forgée). Le macaron a une aura de luxe, de snobisme, de standing. C’est le gâteau Madame Figaro, porté aux nues par la droite friquée comme par la gauche caviar. On est prié de le croquer avec de petites mines. Les quelques pâtissiers qui ont encore pignon sur rue ont intérêt à soigner leurs macarons pour que la presse féminine chic parle d’eux au moins une fois par mois. Nouvelle tendance : plus il y a de parfums bizarres, mieux c’est. Je me sens, à cette évocation, prise d’une grande lassitude et j’ai déjà envie d’abandonner le sujet. C’est que, comme tout le monde, je me suis dit un jour : « Des petits macarons à l’huile d’olive, au basilic, au parmesan, au ketchup, pourquoi pas ? Ça doit être amusant. » Puis — l’expérience avant tout —, je me suis lancée, j’ai goûté un assortiment des macarons les plus fashion de Paris, et ça ne m’a pas fait rire. C’était mon premier test de macarons. Mais, vous l’avez compris, je n’aime pas les macarons. En fait je croyais les aimer avant le premier test ; celui-ci a beaucoup tempéré mon ardeur. Cet après-midi, passant devant la pâtisserie Mulot, à l’angle de la rue Lobineau et de la rue de Seine, j’ai décidé d’en avoir le cœur net et de mener mon deuxième test de macarons.
C’est désormais chose faite. Je suis obligée de dire les choses comme je les ressens : pourquoi les Parisiens sont-ils fondus de macarons ? Eh bien, tout simplement parce que les Parisiens sont accros au sucre. Qu’il faille incriminer le stress de leur vie quotidienne, une disposition particulière ou un microclimat, ils voient le paradis comme une avalanche de sucre glace sur une mer de sirop, et en Technicolor s’il vous plaît. Le macaron parisien à la mode est ultra-sucré, s’habille de couleurs gueulardes (je ne peux m’empêcher de voir, dans cette tendance polychromique, une revanche de l’esthétique de droite actuellement dominante sur la mode baba révolue des couleurs naturelles atténuées, des tons écrus et bruns qui rassurent les écolos), il est parfois aussi ultra-gras mais pas toujours. Toujours ultra-sucré, ça oui. À tel point que tout arôme, toute saveur, qu’il s’agisse de chocolat, de fruits, d’épices, disparaissent derrière ce rideau de sucre. En particulier l’acidité des fruits, qui est le vecteur de leur goût, est complètement escamotée alors qu’une petite touche de cette acidité suffirait parfois à sauver l’ensemble.
En pâtisserie, j’aime ce qui est peu sucré, fruité, croustillant et pas trop gras. Donc tout ce qui n’est pas macaron. Vous allez dire que je suis la dernière personne qui devrait faire ce genre de test ; les macaronomanes décideront carrément que cela devrait m’être interdit. Mais c’est mon métier, je dois goûter, je dois comprendre, je dois savoir. Et au fond j’espère, dans ces dégustations, trouver l’élément qui me convertira, qui me prouvera qu’il peut exister une bonne raison d’aimer les macarons, à part le flirt avec le choc diabétique et la recherche de saveurs infantiles, régressives. Pour l’instant, à part les très bons petits macarons japonais au thé vert et au sésame de Toraya (qui sont, soit dit en passant, la preuve qu’on peut faire de bons macarons sans se vautrer dans le saccharose), j’attends encore cette preuve.
Alors je suis entrée chez Mulot. Comme on était samedi après-midi, la boutique était blindée. J’ai fait la queue entre deux Japonais, les jarrets meurtris de temps à autre par quelques poussettes de luxe (rien de nouveau ; les parents du VIe arrondissement ont toujours baladé leurs mômes avec la morgue et la fierté des anciens Égyptiens promenant le taureau Apis. Promeneurs innocents, attention aux samedis ! Gare au lebensraum des poussettes entre Saint-Sulpice et Vaugirard !).
Enfin, mon petit carton rempli, je suis passée à la caisse.


Test de macarons, 19 mars 2005, pâtisserie Mulot, Paris.

GLOP GLOP : « Je vous ai mis deux grands macarons au citron au lieu d’un, parce qu’ils étaient un peu cassés. »
PAS GLOP : on n’accepte pas les cartes de crédit (je fais la gueule, mais seulement quelques secondes. La caissière, elle, la fait tout le temps.)

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Au centre : macaron nature. Juste au-dessous, thé à la mangue.
Ensuite, dans le sens des aiguilles d'une montre : noisette, passion-basilic,
j'ai oublié, j'ai oublié, et pistache.



Citron :
bon goût de lemon curd (zeste et beurre). Manque d’acidité. Bonne consistance (équilibre entre moelleux et croustillant). Mais on a forcé sur le colorant, d’une intensité aveuglante. Ce jaune pète un peu trop la flamme. On a l’impression qu’on va briller dans le noir une fois qu’on aura mangé ça. Que voulez-vous, c’est la mode, il faut assortir le macaron avec la petite robe Agatha Ruiz de La Prada et les tongs à marguerite.
Cassis-griotte : couleur lie-de-vin atténué, cette fois on n’a pas forcé sur les colorants. Fourré d’une pâte de fruits où l’on sent surtout le cassis, mais sans exagération. Agréable mais ne va pas jusqu’au bout : comme trop souvent en pâtisserie actuelle, les goûts respectifs des ingrédients ne sont pas assez prononcés et l’acidité, le fruité font défaut.
Chocolat : un peu trop riche, manque d’amertume, mais plaira aux dingues de chocolat de toute façon.
Orange-gingembre : fourré de crème au léger goût d’orange, petits dés de gingembre confit dans le fourrage et dans la pâte. Le piquant du gingembre est un peu cassé par l’excès de sucre, mais on peut en croquer un pour accompagner un thé vert, par exemple. Beaucoup de thé vert. Là encore on s'est lâché sur le colorant : à l'intérieur, c'est un vrai coucher de soleil sur le Bosphore.
Nougat : très joli, tout hérissé de petits éclats de nougat, de pailleté feuilletine et de pistaches. Goût léger, où l’amande grillée domine. Un des plus réussis.
Thé à la mangue : attention, Je Crée®. Fourré d’une pâte de mangue un peu trop « cuisinée » et donc ayant perdu pas mal du charme naturel du fruit (décidément, la mangue cuit mal), macaron saupoudré de poussière de thé noir, probablement un Earl Grey. Pas de quoi se relever la nuit, mais ça plaira beaucoup aux Marie-Chantal, grandes consommatrices de petits macarons, qui pourront l'intégrer à une mise en scène de séduction.
Pistache : un peu trop de colorant (encore un glow-in-the-dark macaron), le macaron tire sur le jaune et la crème tire sur le turquoise. Goût pistache discret, un peu amer, déjà goûté mille fois. Eh oui, les pâtissiers n'ont pas trente-six pâtes de pistache à leur disposition, c'est comme ça.

À partir de maintenant, ça se dégrade. Pas forcément les macarons, mais ma résistance à cette pâtisserie qui est, en définitive, un monument de perversité. Les papilles s’emmêlent les pinceaux, les sens crient grâce et se mettent carrément en grève. Je n’arrive plus à reconnaître les saveurs. Il faut dire que certains macarons, un peu borderline, ne m’aident pas beaucoup.

Le marron moucheté de brun sombre : impossible de me souvenir de ce que c’est. La crème est blanche, avec un léger goût de fromage, mais je ne crois pas avoir affaire à un macaron caramel-camembert. Je m’en souviendrais, quand même !
Orange vif parsemé de pailleté feuilletine : il y a de l’orange, une épice que je n’arrive pas à identifier, c’est une catastrophe : mon sens du goût est totalement noyé par toute cette douceur collante. Joker.
Passion-basilic : là je me rappelle, parce que je me souviens l’avoir photographié des yeux dans le magasin. Si (encore une fois) l’acidité naturelle du fruit de la passion, et avec elle son arôme, sont massacrés par le sucre, le basilic, lui, s’en sort assez bien et surnage. Mais au final ça n’a pas grand intérêt gustatif : le basilic, on dira ce qu'on voudra, c'est tout de même meilleur en pesto et sur la soupe de tomate. Ce macaron étonnera votre tante de province.
Noisette : un bon macaron des familles, sans prétention, sachant se tenir. Pas comme ces frimeurs de passion-basilic et thé à la mangue exhibant leurs associations d’arômes comme le Sentier montre sa BMW Z4 à Deauville. Gros éclats de noisette dans la pâte à macaron, fourrage de ganache pralinée : simple, humble et réussi. À réserver pour faire une gentille surprise à quelqu'un qu'on aime.

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 Coupe de gauche : nougat (à 13 heures), orange-gingembre (à 16 heures),
chocolat (à 19 heures). Coupe de droite : citron (le jaune), cassis-griotte (l'autre).
Au-dessus : un petit bout de clafoutis, toujours de chez Mulot,
est venu dire bonjour aux copains.

Je termine par le macaron nature, qui est exactement ce qu’il doit être : nature, avec un petit goût de dragée.
Conclusion : ici comme ailleurs, les meilleurs parfums de macarons sont les plus simples : citron, noisette, nature, nougat remportent la compétition haut la main. Les macarons « artistiques » semblent avoir demandé beaucoup de matière grise pour pas grand-chose. Ce n’est pas encore aujourd’hui que je trouverai des excuses à la pâtisserie française show-off de ce début de siècle.
Ouf. Je sens déjà poindre le mal de tête. Vite, un bon thé pu-erh pour faire passer tout ça.

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Commentaires
T
Merci pour cette belle lecture.<br /> <br /> Moi qui adore les macarons (sans prétention cela dit, nature ou chocolat sont parfaits pour moi), j'ai été servi.<br /> <br /> Bravo pour l'humour, vraiment ça m'a fait très plaisir.<br /> <br /> Personnellement j'apprécie beaucoup plus la confection de macarons que la dégustation, c'est tellement plus drôle de cuisiner pour les autres que pour soi.<br /> <br /> Et si le troisième test macaron était un atelier maison (je vois la cuisine d'ici et les commentaires rageurs, je salive d'avance...)?
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