750 grammes
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chez ptipois
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20 décembre 2013

Congee congee congee !

Balcon

Home at last!
Ci-dessus, notre petite rue cantonaise vue du balcon de ma chambre. Le temps est radieux, c'est émouvant de retrouver la luminosité brumeuse de la Chine du Sud, si photogénique. La température extérieure se site entre très glagla la nuit et une dizaine de degrés le jour. Eh oui, c'est ça les climats subtropicaux qui se révèlent complètement tropicaux en été : l'hiver, on reste tropical et on se caille dans les maisons parce qu'elles ne sont pas chauffées. Alors pull-overs, chaussettes, couvertures chauffantes (merci Mama, ça m'a sauvé la vie cette nuit), douches bien chaudes. Le bonheur, carrément.

peanuts

Ça commence par peanuts. Contrairement à mon habitude et au mépris total de mon abonnement miles Air France, je n'ai pas volé sur la compagnie nationale cette fois (c'est mal) mais sur Cathay Pacific, en ayant gardé un excellent souvenir depuis ma randonnée asiatique du printemps 2005 pour le livre de Jacques et Laurent Pourcel (reportez-vous à avril-mai 2005 sur ce blog pour retrouver ces aventures mais je vous préviens, ça ne nous rajeunit pas, ni vous ni moi). Verdict : pas mal, c'était mieux avant. J'attire toutefois votre attention sur le fait que sur Cathay, on donne encore des cacahuètes grillées en snack : je croyais que c'était devenu introuvable sur la terre entière en raison des allergies. Voilà qui me fait grand plaisir, d'autant que ce sont des cacahuètes chinoises (je reconnais le goût). Vous vous en foutez ? Mais non. Vous ne vous en foutez pas. C'est impossible.

HKairport1

HKairport2

Hong Kong Airport, 6 heures du matin, dans un des lounges dotés de la plus belle vue au monde. Le soleil se lève. Ma première aube asiatique depuis longtemps (un an et demi). Mon âme est lyrique et mon estomac gronde. Mettez-vous d'accord, vous deux. Comment ça, non ? En fait mon estomac gronde en un langage intelligible, il dit congee congee congee. Malheur ! Mon connecting flight pour Guangzhou est dans une demi-heure chrono et je dois absolument trouver du congee.

Pourquoi ? me direz-vous. Je vous explique : les plateaux sur Cathay Pacific n'ont plus leur splendeur d'antan, et qui pis est, quand le chariot passe enfin, l'hôtesse m'annonce qu'il n'y a plus de repas chinois. Me faire ça à moi, comme dirait Zazie (celle du métro). C'est bœuf-carottes-purée et je râle intérieurement. Le contenu de la barquette est attendu : mystery meat, carottes-grelots presque crues, purée qui ne sauve pas l'ensemble. Je n'y touche qu'à peine. Je crois ne pas avoir faim, mais en fait mon estomac est frustré, il boude sur un mode passif-agressif : je ne suis pas vraiment malade mais un peu patraque. Jusqu'au service du petit déjeuner, quand on me donne enfin le choix entre omelette-bacon et congee. C'est à peine si je n'empoigne pas l'hôtesse par les bras : "Congee !" Sur le plateau, trois dés d'ananas et deux cuillerées de congee tiède aux lamelles de porc. Je suis sauvée : c'est bon, c'est réconfortant, mon estomac soudain se réconcilie avec moi, mais ça reste deux cuillerées. Quand je débarque à Hong Kong, il s'est réfugié dans mes talons. Alors il faut trouver du congee, c'est une question de survie.

preciouscongee

Les démons, ou les anges, qui sait, placent précisément sur mon chemin, entre la porte 28 et la porte 45 (par laquelle je dois prochainement embarquer), une échoppe de la chaîne Precious Congee. Des parfums célestes en émanent. Le menu ne laisse aucune ambiguïté : congee aux boulettes de porc, congee au poulet et à la saint-jacques séchée, congee au porc émincé et au foie de porc, congee à la crevette géante et au porc, congee au bœuf haché, congee aux tripes, congee au crabe et à l'ormeau, il y en a d'autres mais si vous n'aimez pas le congee, il y a aussi des cheung fun (rouleaux de riz), des beignets, des nouilles et des soupes. Le tout préparé sur demande.

congee1

Oui mais, car il y a un mais, je n'ai pas d'argent. J'ai des euros mais pas le temps de les changer. J'ai une carte bancaire et — là encore, c'est l'œuvre des démons du congee : un distributeur bancaire à portée de main. En deux temps trois mouvements j'ai commandé un congee au bœuf haché, qui vient garni de cacahuètes et de ciboule. Comme la maison est généreuse, il arrive avec une assiette de cheung fun saupoudrés de sésame at no extra charge. J'ai exactement sept minutes pour manger mon congee.

congee2

Congee, congee, petit, petit, viens voir maman.
Je vous explique : cette préparation culinaire à base de riz longuement cuit dans une grande quantité d'eau ou de bouillon est un miracle gastronomique absolu. C'est la providence des malades, des convalescents, des traumatisés, des frigorifiés, des jetlaggés ou tout simplement des gens qui débarquent à Hong Kong entre deux avions. Ça remet debout les systèmes digestifs les plus tyrannisés, ça calme les appétits les plus paradoxaux et le mental le plus perturbé, ça prouve aux plus sceptiques l'interconnexion du corps, de l'esprit et de l'âme, et c'est peut-être la démonstration la plus éclatante du génie culinaire chinois par son côté instant medicine. Dès la première cuillerée vous savez que ça va mieux, et dès la deuxième vous savez que tout ira bien.

Pendant que je souffle sur ma cuillère, mon cerveau ramolli par douze heures de vol réfléchit lentement : et si je rate ma correspondance pour Guangzhou ? Il n'y a pas de problème, rien que des solutions : je peux toujours prendre le train express pour la gare de Hung Hom, y passer les formalités d'immigration et faire les deux heures de train à grande vitesse pour Guangzhou. C'est simple, la vie. Tant qu'on a du congee...
Ce congee-ci est fait sur une base de bouillon très riche. J'y retrouve les fibres caractéristiques de la noix de saint-jacques séchée. Ni trop liquide, ni trop épais, ni pâteux ni aqueux, finement assaisonné, il est parfait. Je me sens si réconfortée et j'ai si peu de temps que je me concentre sur le congee, délaissant les cheung fun. J'arrose le tout avec un jus de pastèque frais (non photographié mais excellent). J'ai failli rater ma correspondance mais j'ai bien atterri. Me voilà vraiment sur terre.

Pi

Arrivée à Guangzhou, à l'approche de Pan Yu, je cherche du regard l'immense pi construit en hommage à l'anneau symbole du Ciel. Une de ces réalisations immobilières chinoises contemporaines les plus WTF mais pas la moins gracieuse. Les grandes bretelles d'autoroute m'en cachent partiellement la vue. Je penserai d'abord supprimer le cliché Hipstamatic, mais tout compte fait il n'est pas si raté que ça. Le voici donc.

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Commentaires
N
Servit dans la plupart des pays d'Asie, délicieux congee Chinois, le bor bor Kmer du Cambodge, le chao du Vietnam et le jok de la Thaïlande. Mon préféré, le jok de la Thaïlande cuisiné avec du riz de jasmin, le bonheur total. En Thaïlande il y a aussi le khao tom, soupe de riz épaisse servi avec porc ou poulet, délicieux.
P
C'est un peu normal vu que le plat est d'origine chinoise.
M
"C'est la providence des malades, des convalescents, des traumatisés, des frigorifiés, des jetlaggés ou tout simplement des gens qui débarquent à Hong Kong entre deux avions"<br /> <br /> <br /> <br /> En Corée, aussi la "bouillie" de riz est réputée pour vous remettre d'aplomb n'importe qui :)
A
Article très agréable à lire ! Rien de tel qu'un bon Congee et des Zaa Loeng pour le petit déjeuner !
J
"Dès la première cuillerée vous savez que ça va mieux, et dès la deuxième vous savez que tout ira bien" : Quel beau résumé, une définition du congee comme j'aurai aimé la donner.
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