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1 février 2013

Nom Wah Tea Parlor, New York

étagères1

Ces derniers jours, à New York, il a fait entre moins 6 et moins 9. Ce matin, il fait plus humide et, au thermomètre, moins froid, mais ce froid est humide et perçant, le ciel est gris uniforme et cotonneux, lourd sur la tête : il va neiger, c'est certain. C'est ce matin que nous avons choisi pour découvrir Nom Wah Tea Parlor, le plus ancien restaurant de dim sum de la ville.

panoramique

Je grelotte trop pour prendre une photo de la façade. Pourtant elle vaut le coup, avec son enseigne rouge et jaune fanée. L'intérieur est encore plus saisissant, "dans son jus" est l'expression consacrée. Le lieu est un monument, la rue elle-même est un monument : nous sommes ici exactement au cœur historique de Chinatown, sa partie la plus tortueuse et la plus étrange, un petit triangle décrit par Pell Street, Doyers Street et la Bowery. Autrefois un célèbre coupe-gorge, théâtre d'une farouche guerre de gangs, et quelque chose de l'ambiance y est encore perceptible. Le petit coude de Doyers Street fut longtemps surnommé "Bloody Angle". Et c'est au creux même de ce coude qu'apparut pour la première fois Nom Wah Tea Parlor, en 1920. On a lavé depuis le sang des pavés, mais Nom Wah est toujours là.

salle3

Ce genre d'institution a la mauvaise habitude de disparaître corps et biens quand plus personne ne se passionne suffisamment pour elle. Nom Wah a eu de la chance. Dès le début de ce mois de janvier, il a été repris par Wilson Tang, un neveu du propriétaire précédent. Tang a entrepris une rénovation d'une extrême finesse : se concentrant sur la partie cuisine, il a laissé la salle intacte, avec sa Moleskine rouge d'époque (il n'en reste plus beaucoup, des banquettes comme celles-ci), son sol à petits carreaux, son comptoir à gâteaux, ses gros ventilateurs en fer étamé et son espace thé dont je parlerai plus loin. La cuisine aussi est intacte : changer les dim sum qui font la renommée de Nom Wah depuis bientôt cent ans ? Impensable ! Ce qui n'a pas empêché le nouveau propriétaire d'apporter des touches discrètes sur certaines préparations.

salle2

assiette

Avant même d'avoir goûté quoi que ce soit, je déborde de gratitude. Pour ce respect, pour cette beauté préservée, pour ce courage de ne pas moderniser. Aujourd'hui comme hier, la vaisselle est dépareillée. On la remplace au fur et à mesure depuis la création du restaurant : vous dégusterez peut-être vos siu mai sur une de ces robustes assiettes sino-fifties. 

étagère1

Détail important : Nom Wah est un tea parlor. Un salon de thé ? non — mieux : une maison de thé au sens chinois du terme, c'est-à-dire un restaurant où l'on boit du thé. Donc, un restaurant à dim sum. La partie thé est bien en évidence : un magnifique buffet d'étagères chargé de théières, de grosses boîtes à thé attendrissantes en vieux fer-blanc, et d'une remarquable collection de boîtes chinoises anciennes en tôle lithographiée (pratiquement toutes du même motif). Tout cela est bourré de charme.

menu

Pu-er (sous son nom cantonais bo-lay), infusion de chrysanthème, oolong du Fujian, tieguanyin, shui xian du mont Wuyi, thé blanc du Fujian, long jing du Zhejiang, et même Earl Grey et thé au jasmin pour les irréductibles. Je note la présence d'un thé dit "bitter" (amer), en lequel il est facile de reconnaître le kuding cha, infusion de houx asiatique à la puissante amertume. Une telle carte des thés, ça ne se trouve pas sous le sabot d'un cheval. Pas exagérément longue, mais dotée de tout ce qu'il faut.
Comme il fait très froid dehors, je choisis un shui xian de Wu Yi. Son petit goût de feu de bois me semble plus apte à nous réchauffer que le pu-er que j'aurais commandé dans des conditions plus tempérées.

luobaguo

Sus aux comestibles à présent. Un ami chef local d'ascendance cantonaise m'avait prévenue : c'est la même cuisine qu'avant, avec quelques twists. "Tu verras quel genre de twist : par exemple sur le gâteau de navet sauté, lo bak go. Je ne t'en dis pas plus." Le lo bak go se révèle délicieux, léger et, en effet, inhabituel : au lieu de contenir du navet râpé, difficilement perceptible dans la pâte de riz et noyé dans la masse, il renferme des dés de navet, parfumés et croquants. Sous son air de ne pas y toucher, il est unique en son genre. Les dumplings grillés à côté sont tout à fait ce qu'ils ont l'air d'être : dodus, moelleux, savoureux.

cheungfun

Le cheong fun (rouleau de pâte de riz farci et cuit à la vapeur) est un test. C'est le truc sur lequel il ne faut pas se planter. À Paris je ne connais qu'une seule gargote à dim sum qui le réussisse. À Canton, c'est fait sur de grandes plaques à vapeur, avec un linge mouillé et un grand couvercle en dôme. La pâte doit être fine et immatérielle, la farce tendre. Ici, c'est un cheong fun au bœuf et il donne toute satisfaction.

charsiubao

Ça, c'est le char siu bau (autrement connu sous le nom de "brioche au porc laqué") vu en coupe, juste pour vous montrer qu'il ne fait pas semblant. Parfait dans le genre.

hargau

Les har gau (boulettes de crevettes en pâte translucide (un mélange de fécule de blé et de farine de tapioca), passage obligé d'un repas de dim sum) sont d'une bonne tenue, fermes, croquants, parfaitement exécutés, sans le côté fadasse-pâteux qu'on leur reproche parfois.

spareribs

Autre classique : les mini-travers de porc marinés aux haricots noirs et cuits vapeur. Fondants et croquants comme il se doit, l'image parle d'elle-même.

vegdumplings

Les dumplings aux crevettes et aux pousses de pois gourmands sont une excellente surprise : petits siu mai à la pâte transparente pincée sur les côtés, ils offrent le supplément de verdure qui nous manquait jusqu'à présent.

soup

Nous continuons avec une très bonne soupe aux dumplings.

pattespoulet

Les pattes de poulet choisies pour clore le festin sont un peu décevantes. Elles manquent de fumet et de fondant, la rudesse de l'épiderme est un peu désagréable. Pas grave, vu le niveau de tout le reste, on s'en consolera aisément.

Faut-il y aller ? Sans hésitation. Nom Wah est là depuis 1920, il peut vous attendre.

Nom Wah Tea Parlor, 13 Doyers Street (angle Bowery), 212-962 6047 mais la maison ne prend pas de réservations. Site : www.nomwah.com 
Vous risquez une forte affluence aux heures de dim sum (le matin, surtout les week-ends où le petit déjeuner se prolonge en brunch) mais le reste du temps, il y a de la place. Plats conseillés : tout est bon, avec un bémol pour les pattes de poulet, mais visez directement ici : char siu bao, cheong fun, aubergines farcies, tout ce qui est dumpling, spare ribs, et surtout le délicieux lo bak go. Notez que la maison se spécialise dans la vapeur et, à part quelques spring rolls ou boules au sésame, ne met pas trop l'accent sur la friture : l'absence de wu gok (croquettes de taro) est très remarquée, principalement par moi. Ah oui, aussi : c'est pas cher. Comptez, en mangeant comme des ogres, moins de $20 par personne. À l'aise.

 

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Commentaires
S
Cette adresse a l'air tout simplement parfaite. L'authenticité et le respect des produits. Tout ça m'a l'air succulent.
L
Merci pour l'adresse Sophie, j'ai jamais entendu parler de cette adresse alors je vais m'empresser d'aller tester ca ce week end! Les dumplings ont l'air simplement dingos. Tu étais à NYC pendant le blizzard? <br /> <br /> Le Grumeau
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