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6 mars 2012

Sushi of Gari, fin de tournage

dashi

Vous n'aurez pas le bonheur de voir ci-dessus une photo de mes Converse, parce que ce matin je les ai foutues à la poubelle. À la place, vous avez une photo de mon bol de dashi à Sushi Gari, et franchement, vous y gagnez, parce que mes Converse c'était quelque chose.

Je vais vous raconter mes Converse. Je les ai achetées en juillet 2007, dans une halle aux chaussures de Saint-Flour, pendant que je séjournais en Cantal avec Bénédict Beaugé. Il pleuvait. Ce printemps avait été une série noire : une dent cassée en mangeant un kefta dans un restaurant (prouesse) et mon genou gauche, fin juin, qui me dit sans prévenir : je t'aime bien, t'es sympa, mais tu vois, ça suffit comme ça, vraiment, je te largue. Il a tenu parole et à l'heure qu'il est, il m'a toujours larguée, mais moi je le traîne encore avec moi parce que je ne prise guère les divorces sans consentement mutuel. Si ça ne lui plaît pas, c'est le même prix. Enfin bref je suis là, sous la flotte, à Saint-Flour, avec un genou en kit, et je décide de triompher crânement du destin et des éléments, et donc je m'achète des Converse.

J'aurais bien aimé des Converse rouges, ou vertes, ou même kaki, et j'en ai aussi vu de très belles façon jean. Mais dans cette halle à chaussures, il n'y avait qu'une couleur : sans. Des Converse sans couleur. Ni blanches, ni grises, ni beige, ni kaki, ni rien. Et les lacets, curieusement, étaient de longueur inégale. Qu'est-ce qu'on avait bien pu faire à ces chaussures pour qu'elles aient des lacets de longueur inégale ? Mais en tout état de cause c'était ma pointure, alors je les ai achetées. Je me suis dit : une couleur qui n'existe pas, c'est finalement mieux qu'une couleur qui existe et dont on finit par se lasser. Et pendant cinq ans, j'ai porté ces Converse. Et pendant cinq ans j'ai pesté contre ces lacets de longueur inégale à chaque fois que je les mettais.

Elles m'ont suivie un peu partout, des chaussures d'une solidité à toute épreuve, mais surtout elles m'ont patiemment supportée pendant ces six mois de tournages tout autour du monde, sur lesquels je ne suis pas encouragée (euphémisme) à communiquer, ce qui explique qu'il n'y ait que très peu de chose sur ce blog depuis ce temps-là excepté quelques sursauts épars et quelques séjours à Londres (non prévus au programme). Alors ces Converse m'ont suivie au pays Basque en octobre 2011, puis en Chine (mai-juin 2012), puis de nouveau au pays Basque (juin), puis au Bénin (début juillet), puis une troisième fois au pays Basque (octobre), puis en Tasmanie (novembre), encore au Bénin (décembre), et finalement en Californie (février et ce début mars). Et maintenant, tous les tournages sont finis. N - i = ni, finis. Ça s'est terminé hier, précisément. Et hier soir, j'ai pris un vol Delta San Francisco-New York. C'était un vol magnifique, calme et lisse, dans un ciel limpide, assise près du hublot avec toute une rangée pour moi seule, admirant les lignes géométriques lumineuses des villes américaines que nous survolions.

Ce matin, je sors faire un tour dans l'Upper West Side, et arrivée sur Broadway j'entends une petite musique bizarre qui a l'air de venir d'en bas. Je prête l'oreille et, stupeur, ça vient de mes Converse. Elles me disent : mets-nous à la retraite.

Je les regarde. Elles n'avaient jamais eu de couleur, elles en ont encore moins maintenant. Ou plutôt, sur leur absence de couleur, les crasses de cinq années et de cinq continents se sont étalées, superposées comme des lavis, et les lacets (qui n'avaient pas non plus de couleur, j'ai oublié de le préciser) sont devenus couleur de temps, comme la robe de Peau-d'Âne, mais de temps de chien : gris rat d'égout avec des zones gris anthracite. Le cerclage de caoutchouc qui entoure l'empeigne a durci et s'est craquelé. Oui, elles ont raison mes pompes, il est temps.

Il se trouve que je passe à cet instant-là, juste avant d'arriver à Zabar's, devant un magasin de chaussures. Des chaussures d'une marque qu'on dit spécialement étudiée pour annuler la gravité. Elles annulent d'autant plus la gravité qu'elles sont gravement soldées : de 170 dollars et des brouettes à 39 dollars, il faudrait être folle pour dépenser plus. Je trouve assez vite mon bonheur et je déclare à la vendeuse que je les garde aux pieds. Avant d'apporter la boîte à la caisse pour lecture du code-barre, j'y dépose avec tendresse, tête-bêche, mes Converse, bien nichées dans le papier de soie violet : c'est une inhumation de première classe.
Je dis à la demoiselle : "Ces chaussures ont fini leur carrière. Pourriez-vous s'il vous plaît m'en débarrasser ?"

Elle rigole un peu, puis ramasse la boîte. Elle a intérêt à le faire vite, mes Converse sont en train d'embaumer tout le magasin. En leur disant adieu, je congédie une certaine période de ma vie. Ce n'est qu'en faisant mes premiers pas avec les nouvelles chaussures (immensément légères et confortables, et sans lacets) que je comprends que je marche sur une nouvelle terre, vers un nouvel avenir.

Et ce soir, je suis allée dîner à Sushi of Gari (disons Sushi Gari, comme tout le monde). Ce repas m'a fait l'effet d'un retour à la vie. Dieu, que c'était bon !

comptoir

Le comptoir de Sushi Gari : six ninja aux mains expertes, un hexagramme de cuisiniers en pleine action, une locomotive lancée à toute vapeur, douze mains dont tombent des perles marines éclatantes de finesse et de fraîcheur, de vraies pièces de joaillerie. À côté de nous (non photographié) était assis un couple d'oligarques russes, le garçon en cravate à grands carreaux bleu roi et blancs, costard en satin à fines rayures verticales, la fille cuirassée de perlouzes et de chaînes avec un gilet sans manches en duvet d'oie couleur lilas clair. Le chaton de sa bague était une tranche de géode qui faisait bien cinq centimètres de diamètre, on aurait pu y servir des sushi. J'en avais toujours entendu parler mais je n'arrivais pas à croire qu'ils étaient vraiment comme ça. Merci à New York de me l'avoir démontré.

otoro

Joel a choisi de commander en omakase, c'est-à-dire à la grâce du chef. Nous commençons par un sashimi. Le truc à gauche a l'air d'une araignée mygale compressée par César, peut-être, mais c'est du crabe en mue frais, frit croustillant et servi avec une mayo au mentaiko (œufs de poisson), et c'est trop bon. À côté, quelques tranches d'un toro qui était tout bonnement phénoménal ce soir-là. Quand le toro est de qualité, il coule dans la gorge comme un grand vin blanc.

kanpachi

C'était la partie ouest de cette assiette de sashimi, voici la partie est : kanpachi (une sorte de sériole), saumon à la peau légèrement grillée. Je vous préviens qu'à partir de maintenant, je ne me casse plus la tête pour passer les mots japonais en italique, parce que la nouvelle interface aberrante de Canalblog oblige à remonter tout en haut de la fenêtre pour enrichir le texte ou centrer les images, et c'est vraiment très casse-pieds, très bête et très fatigant. J'ai beau leur répéter que c'est un bug à corriger, ils ont l'air de penser que c'est une nouvelle fonctionnalité follement excitante, et donc je ne crois pas qu'ils travaillent très énergiquement à rectifier leur bourde. Apparemment ils ne connaissent pas la règle d'or "ne jamais essayer de réparer ce qui n'est pas cassé", autrement dit if it ain't broke, don't fix it. Je compte émigrer sur Wordpress dès que possible.

saumon grillé

Non, ce n'est pas la même photo : le point est fait sur la peau du saumon, pour que vous voyiez.

pufferfish

Diodon (fugu) frit sur riz sushi. Je n'avais jamais encore mangé de diodon, alors je fais un vœu.

amaebi

Crevette "sucrée" (amaebi) crue et sa tête frite.

cabillaud miso

Cabillaud cru mariné au miso (celui-là, une tuerie).

hamachi

Ventrèche de hamachi (autre variété de sériole)

huître

Une huître gratinée au beurre et à la chapelure sur un lit de riz sushi très beurré. Ce plat sublime m'a totalement fait décoller pour atterrir en pleine enfance, lorsque ma grand-mère normande me servait ses fantastiques coquilles Saint-Jacques gratinées. Et alors, comme dans Ratatouille, j'ai eu un flash — pour la première fois j'ai compris quel était le secret de Mémé : du beurre, du beurre et du beurre.

mirugai

Coquillage mirugai, puissant et croquant.

pizza-saumon

Une des spécialités fameuses de la maison (les oligarques russes à côté de nous en ont commandé des camions entiers qu'ils ont engouffrés avec la plus extrême gloutonnerie) : un nigiri de saumon recouvert d'une fondue chaude de tomates et d'oignons façon pizza. Délicieux. (Ah oui, au fait, j'en profite au passage pour féliciter Vladimir.)

sayori

Sayori (une sorte de petite orphie).

spicytuna

Autre spécialité maison qui dépote méchamment : thon maguro, mayonnaise et une bonne cuillerée de rayu (sauce pimentée) maison.

toro-oignon

Encore un exemple du talent de Sushi Gari à superposer les textures et les températures : une belle tranche de toro est couverte d'une fondue chaude d'oignons confits, plus quelques copeaux d'ail frit. Chaque nigiri est un petit plat à lui tout seul. Ici, c'est aussi un clin d'œil au spicy tuna.

snapper

On continue avec les standards du menu : tai (dorade rose japonaise), algue, racine de lotus et pignons de pin grillés.

uni

Apothéose, bouquet final : deux belles languettes d'un parfait uni (oursin).
Tout cela accompagné d'un délicieux saké junmai-shu et d'un bon thé vert bien chaud.

Sushi of Gari, Manhattan, trois adresses :
Upper East Side, 78e rue entre 1re avenue et York Avenue. 212 517 5340
Midtown, 46e rue entre 8e et 9e avenues. 212 957 0046
Upper West Side, Columbus Avenue entre 77e et 78e rues. 212 362 4816

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Commentaires
S
Paix à tes converses<br /> <br /> Cette adresse est su^perbe j'ai hâte de repasser par NY
P
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M
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T
Ça m'apprendra à survoler un article au lieu de le lire en détails... Si je m'étais attardé sur la phrase "Et hier soir, j'ai pris un vol Delta San Francisco-New York." je n'aurais pas commencé à fantasmer sur toutes ces images magnifiques, en pensant naïvement qu'elles avaient été prises dans un restaurant en France... snif...<br /> <br /> <br /> <br /> M'en fout, je pars au Japon dans 6 mois, nah !<br /> <br /> <br /> <br /> T. Tilash (aka Rio Yeti... ailleurs...)
P
J'adore quand tu te transformes en blogueuse de mode, ça envoie bien. Inutile d'ajouter que ce repas japonais me fait rêver, voire phantasmer pour certaines préparations... Merci du partage.
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