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chez ptipois
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8 septembre 2011

"Vraie cuisine chinoise" = addition à trois chiffres ?

likafo

Interruption momentanée de notre programme londonien, qui reprendra très bientôt.

Aujourd'hui, à l'heure du déjeuner, je me trouvais au restaurant Likafo (avenue de Choisy, Paris XIIIe) devant mon assiette de nouilles plates de riz sautées au bœuf et aux haricots noirs. Les nouilles étaient fermes et élastiques, le bœuf en quantité généreuse, tendre et sauté à la perfection, et le petit goût aillé-fumé de la sauce aux haricots noirs fermentés s'unissait sans couture visible au "goût de feu" d'un flambage au wok dans les règles de l'art. "Qu'est-ce que c'est bon !", me disais-je comme à chaque fois que je commande ce plat, ou pratiquement tout autre plat, à Likafo."Et qu'est-ce que j'attends pour en faire un post de blog ?" Ce déjeuner rapide était arrosé d'un remarquable thé tieguanyin d'Anxi, et je me demande bien où les propriétaires du Likafo vont le chercher, parce que du tieguanyin dans un restaurant parisien, c'est déjà exceptionnel, mais du bon, en plus !
Likafo est à ma connaissance le seul restaurant cantonais de Paris dont la qualité est égale à celle que je trouve à Canton. Et j'ai plus d'une fois mangé en Chine moins bien que je ne mange à Likafo. La cuisine tend un peu vers le style teochew (beaucoup de fruits de mer, omelette aux huîtres, poisson salé…) Tout cela pour dire que même si Paris n'est ni Londres, ni San Francisco, ni New York, nous n'avons pas à rougir des quelques bons restaurants chinois dont nous disposons. Nous avons également d'excellents restaurants vietnamiens et nous sommes particulièrement forts sur les laotiens. Ah oui, j'allais oublier : ma gigantesque assiette de nouilles et ma théière de tieguanyin m'ont coûté 9 euros, pas un centime de plus.

Et par un caprice du destin, le soir même, Vanessa m'envoie de Londres un lien vers un article de l'Independent, en réalité une dépêche AFP, annonçant l'ouverture (aujourd'hui même, jeudi 8 septembre) du Shang Palace à l'hôtel Shangri-La de Paris, avenue d'Iéna.
J'entreprends immédiatement sa lecture et je trouve qu'il commence assez mal. 

L'ouverture, cette semaine, du Shang Palace permettra enfin d'obtenir la réponse à cette question maintes fois posée: Paris est-il prêt pour la véritable cuisine gastronomique chinoise et pour les prix qui vont avec?
Il n'est pas, en effet, improbable que la capitale de la haute cuisine puisse snober un restaurant asiatique aux visées ambitieuses.
Pour la plupart des Français, cuisine chinoise rime avec traiteur bas de gamme, pas avec une addition de 80 euros au déjeuner et 120 euros au dîner. 

La première chose que je remarque, c'est que, pour l'auteur de la dépêche, les Parisiens, en matière de cuisine chinoise, n'ont aucun autre critère de comparaison que les désolants traiteurs de quartier. Et "vraie cuisine chinoise", bien entendu, ça veut dire "cuisine à prix astronomiques". En clair : les Français sont tellement des brêles que si on commence à leur servir la vraie gastronomie chinoise (celle qui coûte 120 euros par tête), ça risque de leur passer bien au-dessus de la tête.
Je trouve cette réflexion bizarre, car selon mon expérience la gastronomie chinoise ne fonctionne pas du tout ainsi. Et surtout pas sur l'équation addition élevée = cuisine supérieure.
Bien sûr, il existe (à travers ses grands styles régionaux) une haute cuisine chinoise, et cette cuisine peut être chère, parfois très chère. Mais ce prix est surtout défini par le coût de certains ingrédients "auspicieux" que l'on se doit de faire figurer à un banquet, soit comme porte-bonheur, soit comme signe extérieur de richesse, soit comme trésor médicinal, soit tout cela à la fois. Ailerons de requin, abalone séché, nid d'hirondelle, holothurie… C'est cela surtout qui fait monter l'addition. La maîtrise culinaire est encore bien répartie. Il y a de très grands chefs partout en Chine ; on les trouve aussi bien dans une auberge de village que dans un grand restaurant citadin. Quant à la cuisine chinoise pour riches servie dans les palaces internationaux de Shanghai, Beijing ou Hong Kong, si délicieuse soit-elle, les restaurants populaires de Canton ou les brasseries animées de Hangzhou n'ont rien à leur envier. En fait, en Chine, sauf quelques exceptions, plus l'addition est élevée, moins la cuisine est bonne.
Il y a donc quelque incohérence à vouloir définir la "haute cuisine chinoise" par des prix élevés, surtout dans des proportions européennes. Mais nous sommes dans le monde de l'hôtellerie de luxe, donc ces prix élevés sont chose normale. Ce qui n'est pas normal, c'est d'en inférer que la cuisine sera nécessairement meilleure ou plus authentique que ce que Paris a connu jusqu'à présent.
Ce qui est intéressant, par contre, c'est d'apprendre que l'équipe cantonaise du Shang Palace — dirigée comme il se doit par un as du couperet, un expert en rôtisserie, un chargé de dim sum et un maître du wok — s'emploie passionnément à faire de ce restaurant la copie conforme d'un restaurant chic de Hong Kong. Leur quête des meilleurs produits est de très bon augure : une trentaine de variétés de canard ont été passées en revue avant de trouver l'oiseau rare, et certains légumes chinois seront cultivés dans la région parisienne en exclusivité pour le restaurant. Voilà qui me rappelle l'exigence des ménagères de Canton ou des gourmets de Hangzhou quand ils vont faire leur marché.
Je suis donc très curieuse de ce qu'on servira au Shang Palace et je vous promets un rapport détaillé si je parviens à m'y attabler. Oubliez donc les spéculations hors sujet des agences de presse : le Shang Palace ne sera pas le premier restaurant de haute cuisine chinoise à Paris ; en revanche, s'il ne rate pas son coup, il sera la copie réussie d'un grand restaurant d'hôtel international à Hong Kong. C'est déjà pas mal.

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Commentaires
Q
Je rejoins tout à fait ton avis. :)<br /> <br /> Quand on s'intéresse de près à la culture chinoise et sa gastronomie, on sait où trouver de bonnes adresses à Paris, sans casser sa tirelire.<br /> <br /> J'ai lu l'avis de Mr Lung sur le Shang Palace, c'est à tester, histoire de s'en faire sa propre opinion.
P
Yes. Another point is that they judge according to what they're accustomed to at home, and that's their idea of authentic. Which may be right or may be wrong. For instance many Americans believe they've got the real-McCoy Vietnamese restaurants when actually most of them are run by Hmongs and Paris has the Vietnamese immigrants.<br /> There are excellent Cantonese restaurants in London, etc., but I did write that Paris was not London, San Francisco or NYC.
P
The point is that most of anglo-saxons judge our restaurants through the Guide Michelin. If I am not vrong, the only starred chineese is Chen in Beaugrenelle. That does not help stangers to make themselves a fair opinion...
P
Patrick : je me souviens en effet de Chez Vong, j'y ai mangé autrefois des choses très décentes. Mais c'est vrai qu'à présent le panorama sinoculinaire s'est beaucoup amélioré à Paris. Likafo, c'est toujours aussi bon.<br /> <br /> Malcolm: I know, Americans like to believe that. It's their right to do so. At any rate, your present comment was based on an incomplete reading of my post so I'll kindly suggest that you read it again.<br /> The patronizing attitude of some Americans and natives of other English-speaking countries regarding non-French restaurants in Paris never ceases to surprise me but I'm used to it. Every time it makes me question how far they've gone into the subject. Apparently not very far.
P
L'holothurie (te salutant), on l'avait encore pour rien il y a peu de temps... si les pêcheurs bretons se baissaient pour en ramasser au lieu de s'acharner sur le bar et le turbot, on comblerait rapidement la dette du pays. <br /> <br /> Ton billet me fait penser à Chez Vong, rue de La Grande-Truanderie, qui s'est voulu l'équivalent du Vong du Mandarin Impérial de Hong-Kong, d'ailleurs les proprios "éponymes" sont frères. Longtemps ça a été à ma connaissance le seul endroit de Paris où on pouvait manger le canard laqué dans les règles de l'art. <br /> <br /> J'y suis retourné voici moins d'un an, autant pour agiter de vieux souvenirs que pour manger, le canard est toujours aussi bon, mais on peut trouver aussi bien ailleurs pour moins cher. De plus maintenant, je préfère explorer la méduse et les langues de canard.<br /> <br /> Likafo c'est donc lakifo aller (désolé), je ne vais pas tarder... merci une fois de plus, je sais d'avance que je vais aimer.
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