L'été 2010, volume 2
Nous avions clos le mois de juin au château Pontet-Canet. Juillet s'annonce. À Paris, il fait chaud, orageux, on a envie de quelque chose de léger et croustillant. Les nems du restaurant Indochine sont peut-être ce qu'on fait de mieux dans le genre. Peu de chose (un décor un poil plus soigné) distingue Indochine des autres restaurants de ce type sur les deux branches du compas délimitant le Chinatown du Sud, le double axe avenue de Choisy-Avenue d'Ivry. Mais c'est toujours blindé, tout est bon. Le service est familial, ironique et complice. Ingrédients très frais, points forts : les nems et le banh xeo. Pho correct et bun cha ha noi un peu moins mémorable que celui du regretté Pho Bida Saigon (RIP). Une fois n'est pas coutume, je ne vous conseillerai pas d'être aventureux sur les boissons. Le thé au lait glacé est un des moins réussis du quartier (apparemment fait en catastrophe avec du thé vert au jasmin trop léger) et le milk-shake au corossol beaucoup trop sucré et un rien cotonneux. Pour ces choses-là, je vous donnerai d'autres adresses.
Indochine. 86, avenue de Choisy, Paris XIIIe. Tél.
8 juillet. Tant qu'à rester à Paris, autant en profiter. Chez l'Ami Jean, en compagnie de Julot et Mikael. Stéphane Jégo nous couve (surtout Mikael qui vient d'apprendre aux serveurs à distinguer un homard mâle d'un homard femelle) d'un regard affectueux et les spécialités du jour tombent comme à Gravelotte. Ici, les pétoncles rôtis à la persillade.
Chez l'Ami Jean. 27, rue Malar, Paris VIIe. Tél. 01 47 05 86 89.
10 juillet. L'exploration des possibilités du format micro 4/3 à travers le GF1 de Lumix se poursuit, de plus en plus loin des sentiers battus. Dans le jardin de ma maman, sur les hauteurs de Rouen, je teste le 50 mm macro Zuiko-OM acheté sur e-Bay. Après quelques essais, je décide d'en faire un objectif de studio. Le 50 mm non macro f1.8 est plus facile à manier pour les extérieurs et les portraits. L'emploi de ces focales à mise au point manuelle rend l'achat du viseur externe indispensable.
14 juillet. Je décide de rester tranquillement à la maison, loin de la clameur des pétards. Et puis mon regard tombe, sur Twitter, sur l'annonce de l'ouverture exceptionnelle de Spring. Je décroche mon téléphone et réserve trois couverts. On peut faire pire pour un 14 juillet.
Daniel commence par nous apporter un caviar d'aubergines accompagné d'aubergines-œufs marinées à l'aigre.
Poulette au bouillon, calmar, légumes racines.
Un merveilleux clafoutis aux abricots. Retrouve-t-on le Spring de la rue de la Tour-d'Auvergne ? Pas encore tout à fait, Spring est en train de se réinventer : nouvel espace à plusieurs niveaux, cuisine beaucoup plus grande, personnel plus nombreux, sommelier enthousiaste, toute une organisation qui se repense, qui se refait, qui trouve ses marques, qui remplit doucement sa peau. C'est pourquoi je ne partage pas la démarche des blogueurs et des critiques qui y sont allés de leur petit post ou papier le plus vite possible après l'ouverture (on est toujours dans l'habituelle dynamique "j'y étais avant toi" de la blogosphère, qui maintenant fait mine de s'étendre à la presse). Spring est une alchimie délicate à laquelle il faut laisser le temps de trouver ses repères, surtout en présence d'un si radical changement de données. Un mois après l'ouverture, la situation a mûri, on peut sortir le stylo. Le repas que j'ai fait ce tout premier soir - salle pas tout à fait pleine, ce qu'on ne verra plus de sitôt - était remarquable, mais je vois très bien que ce sera carrément merveilleux quand la vitesse de croisière sera atteinte.
Spring. 6, rue Bailleul, Paris Ier. Tél. 01 45 96 05 72.
23 juillet. Je rejoins des amis pour une semaine dans la région de Gaillac et je découvre, émerveillée, la "petite Toscane" que je ne connaissais pas. Ce pays est beau à pleurer. Cette semaine me laissera un goût de trop peu. Et ces vins...
Les fûts de Bernard Plageoles, où repose le fabuleux vin de voile. Un mot là-dessus bientôt sur Ptipois' Wines.
Où manger ? Plusieurs options. Vigne en Foule, à Gaillac, est un bistrot à vins orienté tapas avec section ampélothèque (des grappes de raisin sont conservées dans des bocaux comme les créatures bizarres dans le formol à la galerie de paléontologie du Muséum d'histoire haturelle, si vous me permettez ce rapprochement hardi). Projet conjoint de trois vignerons (Bernard Plageoles, Patrice Lescarret et Michel Issaly), cuisine nette et ensoleillée, carte des vins cornélienne.
Vigne en Foule. 80, place de la Libération - 81600 Gaillac. Tél. 05 63 41 79 08.
Je conseille vivement une halte au Café Joubert à Fayssac. C'est un bistrot à vins spécialisé dans les bons crus de la région et les vins nature, mais c'est aussi beaucoup plus que ça. Guinguette, salle de concert, galerie du meuble de café années 50, point wi-fi (quand le temps orageux ne se met pas de la partie), observatoire des découvertes œnologiques ("J'ai reçu ça ce matin, faut absolument que vous goûtiez !"), point de ralliement des viticulteurs et des restaurateurs de la région. La terrasse et le jardin sont idylliques, l'accueil est adorable, l'intérieur est poétique, la tatin au foie gras est justement célèbre.
Café Joubert, route de Senouillac, 81150 Fayssac. Entre Gaillac et Cahuzac-sur-Vère.
Tél. : 05 63 41 72 03. Fermé lundi et mardi.
Cordes-sur-Ciel. D'abord un peu déroutée par le "syndrôme Gerberoy" (pas rare dans ce Sud-Ouest très prisé de l'outre-Manche), je cède devant la splendeur des hautes façades médiévales. Le vernis décoratif est facile à gratter. Dans une étrange maison à l'angle de la place de la Halle se tient une exposition dédiée à Mâ Ananda Moyi.
C'est l'occasion d'entrer dans une de ces grandes demeures dont les hauts plafonds invitent à un certain dépassement de l'esprit, de l'humeur du moment. Une atmosphère mystérieuse règne, je ne sais pas si elle est liée à la maison ou au village tout entier. La demeure est celle d'un sculpteur qui a laissé toutes les portes ouvertes. Il n'y a personne à part les rares visiteurs ; pourtant le village, alentour, bourdonne.
Au premier étage, une petite terrasse arbore un mini-bassin et quelques tomates en pot qui me paraissent aussi admirables que les éléments de l'expo.
Où manger : le grand coup de cœur de l'été, pas moins. Aux Berges du Cérou, l'admirable restaurant de Patrice Gelbart, fera l'objet d'un post ultérieur. Courez-y de toute façon.
Aux Berges du Cérou. Rue du Pont, 81640 Salles. Tél. 05 63 76 40 42.
À Puycelsi, le 30 juillet, la ville semblait déserte. La boulangerie près de l'église est le seul commerce que j'ai trouvé ouvert. Et il eût été dommage qu'il fût fermé, j'aurais loupé les excellents sorbets aux fruits fabriqués sur place.
Pour terminer ce séjour beaucoup trop court, je suis allée retrouver Jérémie, Jérémie de Moissac. Mon homme de pierre préféré entre tous, qui laisse loin derrière lui tous les Apollon d'Olympie, les kouroi, les esclaves enchaînés, les penseurs de Rodin, les Auguste de Prima Porta. Probablement la plus belle figure humaine que l'art roman ait produite. Neuf siècles qu'il rêve, et trente ans que je ne l'avais vu. La finesse des détails, la beauté du visage me rendent encore plus insupportables les faces martelées sur tous les chapiteaux du cloître. Il n'en est pas resté une. Il est temps de rentrer.
Pas mal non plus le mois de juillet. Plus calme. Prochainement : le mois d'août, qui à l'heure où nous écrivons ces lignes hésite encore à prendre une direction claire.