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chez ptipois
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28 novembre 2005

Le bushisme : en cuisine aussi.

Une fois n'est pas coutume, on va s'intéresser aujourd'hui à la famille Bush. Oui, celle de Dubya, celle dont les Irakiens aimeraient n'avoir jamais entendu parler, celle qui... Bon. Passons. On va s'intéresser plus précisément à quelque chose dont on ne parle jamais, et qui vient d'être abordé brillamment dans un article de The Independent : la famille Bush sous l'angle culinaire. Rédigé d'une plume spirituelle par Terry Kirby, l'article nous révèle des faits dont nous n'aurions même pas osé rêver : non seulement la première famille d'Amérique mange très mal, mais en plus elle mange exactement comme au temps du maccarthysme. C'est presque trop beau pour être vrai.

garden

Ils ont osé : oui, ils ont osé, la maisonnée de Bush Senior. Non seulement permettre à leur chef personnel, Ariel de Guzman, d'écrire un livre de recettes à la gloire de ce qu'il leur fait avaler quotidiennement depuis vingt ans (ne l'incriminons pas : il ne fait sans doute qu'obéir aux goûts de ses employeurs), mais aussi de le publier (The Bush Family Cookbook est paru au début de ce mois). Et le résultat, d'après une collaboratrice du journaliste, tells a lot about the Bushes. Tandis que de son côté un lecteur enthousiaste (cinq étoiles sur Amazon, excusez du peu) salue cette publication par un vibrant I can't wait to prepare for myself these terrific dishes that have kept the Bush family happy and healthy and ready to meet any challenge. [...] The Bushes are known for their good taste [...].
Intitulé "les cauchemars culinaires de la famille Bush", l'article ne mâche pas ses mots et commence ainsi : "Ce fut la carotte ciselée en forme de tronc de palmier, surmontée de poivrons verts ciselés en forme de palmes, le tout servant à décorer ce qui aurait pu rester un saumon froid tout simple, qui me fit prendre conscience que je n'étais pas en présence de n'importe quel livre de cuisine." C'est, dit l'auteur, "le royaume du moule à gelée". On ne peut pas s'empêcher de penser aux travaux de James Lileks sur les images culinaires des années 20 à 50 et à sa Gallery of Regrettable Food. Sauf qu'ici, avec le gloubiboulga de la famille Bush, nous ne sommes plus dans la recherche archéologique : nous sommes dans la réalité écœurante d'un temps figé depuis une quarantaine d'années. Recette de blancs de poulet au four, tirée du carnet de recettes de Mme Bush mère  : "Un sachet de soupe à l'oignon, un sachet de velouté aux champignons, un demi-litre de crème aigre." On mélange avant d'en napper les blancs de poulet et d'envoyer le tout au four. "Moi, si j'avais des recettes comme celles-ci, dit l'auteur de l'article, je les cacherais. Les Bush n'ont pas cette prudence." C'est un festival de crème, de jaunes d'œufs, de mayonnaise et de légumes surgelés. La photographie (grâce à Dieu) reste minimale, le stylisme sporadique (exemple des palmiers mentionnés plus haut) et beaucoup d'illustrations représentent le chef, dont une en compagnie d'un G. W. Bush à l'expression tendue  — "sans doute en train de digérer son déjeuner", observe le journaliste, qui a poussé la déontologie jusqu'à entreprendre de tester les recettes et (moins innocemment) de les faire goûter à son entourage immédiat. Les dégustations ont été accompagnées de généreuses lampées de vins californiens, "pour nous rappeler qu'il y a des choses que les Américains réussissent très bien". En la personne d'un entremets gratiné dans tous les sens du terme (nouilles plates, pommes, cannelle, crème, œufs, raisins secs, cottage cheese), un autre cobaye reconnaît le noodle kugel de son enfance. C'est, dit-il, un dessert réconfortant. Le problème est que les Bush le servent pour accompagner le roast beef ou le gigot d'agneau rôti. Mais, à mesure qu'on avance, on convient que la conscience professionnelle a des limites. Dûment exécuté, le Grandmother Pierce's creamy salad ring (fondue de tomate collée à la gélatine avec concombre, céleri, poivron vert, raifort, mayonnaise et crème aigre), qualifié de disgusting, est allé tout de suite à la poubelle.
À côté de cela, le bouquin récent du cuisinier de l'Élysée, dont la principale qualité est d'être illustré de photos de plats présentés dans des objets chinés chez des antiquaires, semble d'une nocivité bien relative.
Travaillant dans le livre de cuisine, pour le livre de cuisine, et entourée de toute part de livres de cuisine, j'ai tendance à considérer ces objets le plus souvent comme des bénédictions, et parfois comme des occasions perdues de sauver des arbres. Mais là, c'est du lourd. En présence du livre de cuisine du clan Bush, je perçois une sourde obscénité qui m'en rappelle une autre : c'est la première fois qu'un livre de cuisine provoque en moi le désir violent, plus irrépressible que jamais, de voir les États-Unis ficher le camp du Proche-Orient et particulièrement d'Irak. Et plus vite que ça. En moins de temps qu'il n'en faut à un Jell-O mould pour prendre au frigo. Tout est lié.

spewpuke

                                                          Illustrations tirées du site de James Lileks.

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Commentaires
T
Non seulement les Bush ne savent pas gouverner mais encore ils ne savent pas manger... pas etonnant.<br /> Super les 2 articles
M
A ce que j'en sache il n'a pas officiellement été mis en prison... officieusement cependant, on raconte qu'il est torturé dans une prison secrete de la CIA en Europe de l'Est.
Z
Super article. Merci
P
Merci pour cet article édifiant !
M
Merci pour cet article. Edifiant.
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