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chez ptipois
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14 juillet 2005

Le jour du 14 juillet, je reste dans mon lit douillet.

bleurouge

J'aurais bien aimé, en fait. Mais c'est raté pour cette année. Ils sont sans pitié, ils me font sortir pour travailler sous ce cagnard. L'été, c'est pour moi comme l'hiver pour les ours, si vous voyez ce que je veux dire. Mais cela ne fait pas l'affaire de tout le monde, alors je me plie à la réalité. Ce matin, je me rends dans le quinzième profond pour une nouvelle session de travail de chef.
Spaced out comme je suis ces temps-ci (j'essaie d'écrire un truc qui ne sort pas aussi facilement que je le voudrais), je ne me souviens de la date d'aujourd'hui qu'une fois arrivée, en taxi, sur les quais de la Seine. La première chose que je vois, c'est la fumée tricolore pétée par les avions pointus dans un vacarme d'éruption volcanique. J'en suis toute esbaudie et mon chauffeur aussi. J'attrape mon Sony — un réflexe que j'ai cessé d'avoir depuis quelque temps : j'ai un peu perdu l'art de dégainer. Quand l'objectif est braqué, la fumée n'est plus que vagues filoches.

fum_erose

Matière à méditer : en quelques secondes, la fumée bleue s'est dissoute dans le bleu du ciel, la fumée blanche s'est dissipée dans la brume matinale, ne restent plus que des nuages roses. Est-ce que ça veut dire quelque chose ? Est-ce une métaphore ? C'est une métaphore pour rien du tout. Ce rose ne signifie rien, contrairement aux nuages d'un coucher de soleil. Ces canards d'acier, aujourd'hui, ne me font pas penser à la grandeur de la France mais me dépriment. Je n'ai pas envie d'entendre ces bruits, ni aujourd'hui, ni à un autre moment. Ces roulements de tonnerre ne me rassurent pas. Je pense même qu'il y a une certaine indécence à les exhiber. Je fais le gros dos quand mon fils allume la télé pour regarder les infos. J'ai sans doute tort, mais cela me hérisse réellement. Le monde tel qu'il m'est présenté à travers ce prisme me fait peur, c'est un intrus et je n'ai pas envie de le faire entrer dans ma maison.

fum_erose2

Je shoote encore quelques vols de canards, la tête vide. Le bruit ambiant me fait presque croire que nous sommes en guerre. Les quais sont barrés, évidemment. Ils sont barrés à une distance plus que confortable du théâtre des opérations. Mais on n'est pas en Vigipirate rouge pour des prunes, ma bonne dame. Mon chauffeur, rompu à la technique de la guerilla des rues, bifurque immédiatement rue des Grands-Augustins. Nous avançons dans la rue étroite presque furtivement, comme si nous nous frayions un chemin à la machette dans une forêt pluviale. Réflétée par les élégantes façades de calcaire frottées à la brosse à dents, la clarté de ce jour de canicule est éclatante, blafarde, crayeuse. Pour un peu, on dirait que la lumière a une odeur de poudre. Je m'y sens déjà. Je jette un coup d'œil vers mon chauffeur pour voir s'il ferait un Hussein Hanoun potable, et puis je décide de penser à autre chose.

ciel

De ces photos, une fois découvertes, je ne garde que la beauté du ciel parisien. C'est lui qui joue le rôle principal. Vive la France.
Eh bien, nous approchons. Nous traversons le quartier des Invalides, ses ministères, ses platanes et ses larges avenues, plus désertes encore que d'ordinaire. Le soleil fait peser sur tout cela une dense langueur qui donne à ce quartier une ambiance à la Chirico. Tout semble figé dans un sirop épais et cruel. Paris est désert, Paris est toujours bizarre quand il est désert. Il devient intemporel, son époque s'en échappe comme par un trou dans la coque. Il est vidé de tout ce qui le rattache au présent. Et comme le quinzième est un arrondissement particulièrement léthargique (désolée), je ne vous raconte pas l'atmosphère lorsque j'arrive aux environs de la rue de la Convention. La chaleur aidant, je m'imagine à Mexico après une attaque nucléaire. Heureusement, il y a le travail pour me changer les idées.

15_1

J'attends le chef. Il est 11 heures. Tout se met en place pour le service du déjeuner.

15_caf_

Un bon point pour cette journée un peu triste : on fait ici du très bon café. L'associé du chef a bien pris soin de coiffer ma tasse d'une mousse très réussie. J'apprécie. Pourtant j'ai de moins en moins envie de faire ce travail. Il me fait vivre à peu près, mais j'ai envie d'autre chose. J'ai envie de beaucoup d'autres choses. J'ai envie de retourner en Asie, particulièrement en Chine pour retrouver mon prince charmant. J'ai envie qu'il pleuve et que les jardins sentent bon après. J'ai envie de prendre des vacances à la mer. J'ai envie qu'on m'offre des fleurs, voire une fleur. J'ai envie de rentrer chez moi et de dormir. J'ai envie que l'occupation de l'Irak se termine vite et qu'aucun autre pays ne soit attaqué. J'ai envie de finir d'écrire ces foutus textes et qu'on n'en parle plus.


denise

Je profite des vacances du fils, qui a parfaitement réussi son année d'études, pour explorer des bistrots que j'ai perdu l'habitude de fréquenter. Ici, Chez Denise, aux Halles, un soir. Je ne sais pas si je retournerai y dîner, à moins d'y aller après minuit, comme il se doit. Aux heures décentes, il n'y a que des Américains. Je n'exagère pas.

tartine

Ici, La Tartine. C'est mignon, hein ? C'est beaucoup trop mignon. Ce lieu parisien s'est mignonnifié, en anglais cutified. C'est le syndrome Amélie Poulain, c'est aussi le tourisme et l'invasion de mauvais goût galopant : Paris se transforme en décor de Disney.

rasgullas

Heureusement, il reste des endroits qui ne sont pas manucurés. L'autre soir, j'ai emmené mon amie A. au restaurant Derya. Juste à côté se trouve ma gargote pakistanaise préférée. Leurs pâtisseries sont délicieuses. Nous y avons pris le dessert : des rasgulla et deux chai bien serrés. Ça fait voir la vie du bon côté.


expo01

Une  chose avant de vous quitter pour aujourd'hui : ne ratez pas l'expo Mallet-Stevens à Beaubourg. Ça vaut vraiment le coup et vous savez ce que c'est, les expos. On se dit qu'on a le temps, et pfuit ! c'est fini, c'est trop tard.

expo_dessins

Allez voir la rétrospective de cet architecte fabuleux qui, malheureusement, a si peu construit dans sa vie. L'expo est pleine de projets qui ne se sont jamais faits. À plusieurs reprises, il m'a semblé qu'il y avait eu manque de chance. Cette visite m'a donc à la fois enchantée et attristée. Les dessins de Mallet-Stevens sont pleins d'esprit, son style de lettrage d'une grâce infinie, ses constructions étaient respectueuses du mode de vie humain, son visage était beau et distingué. Je crois que ce devait être un homme délicieux. D'ailleurs, s'il avait été plus agressif, plus arriviste, moins artiste, il se serait probablement mieux imposé.

expo_plan

Ce plan de studio semble avoir été fait pour une chambre de poupée. Il reste dans ma tête comme le plan d'architecte idéal.

expo_salonmusique


Parmi tous les dessins, je suis tombée en arrêt devant ce salon de musique.

expo_tabouret

Ainsi que devant ce tabouret de piscine, dessiné vers la fin des années 20 pour une villa maintenant délabrée. Les années 20 sont une époque qui a marqué une espèce d'aboutissement dans le design : quoi qu'on aie fait ensuite, on n'est jamais allé aussi loin qu'en ce temps-là.

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Commentaires
P
Oh, une rose !<br /> Bisou<br /> Snif<br /> Et merci !
I
@->->--<br /> Tiens, elle est pas terrible, mais c'est le mieux que j'aie sous la main :)
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